lundi 17 avril 2017

Experience Economie = Economie de la fonctionnalité + Marketing expérientiel


Le 4 avril dernier, Joseph Pine (à prononcer à l’américaine ,-) a tenu une conférence remarquable sur Lille intitulée « Behond goals and services, welcome to the Experience Economy ».

Mes notes en mind map sur le sujet sont téléchargeables sur Slideshare ou en cliquant ici :

D’après B. Joseph Pine II and James H. Gilmore, ‘the Experience Economy’ ou l’économie expérientielle est la prochaine économie basée sur l'expérience client après l’économie agraire (qui extrait des matières premières), industrielle (qui fabrique des produits de masse) et plus récemment, l’économie des services. 

L’économie expérientielle s’attache à mettre en scène une expérience unique, mémorable et la plus authentique possible car « c’est ce que recherchent les consommateurs d’aujourd’hui. » D’après Pine, l’authenticité est devenu le critère principal dans la décision d’achat du consommateur parce que les expériences authentiques nous rendent plus heureux que lorsque l’on achète de simples biens matériels. 


Exemples d'expériences... d'un distributeur de chewing-gum à Disney Land 

La valeur économique a ainsi évolué à travers le temps :

- avant avant-hier, on vendait des marchandises (ex : des grains de café)
- avant-hier, on vendait des produits fabriqués en série (ex : du café moulu)

Cependant, on constate généralement une banalisation (en anglais, commoditization) des produits qui deviennent de simples commodités standardisées sans spécificités dans les yeux des consommateurs et avec une forte concurrence sur les prix. La personnalisation permet, au contraire, de redonner de la valeur économique au bien en le distinguant des autres en termes d’attributs. Elle est un ‘antidote’ à la banalisation. 

- hier, on a vendu ainsi des services sous forme de prestations (ex : des tasses de café dans les cafés) 

- aujourd’hui, pour se différentier (banalisation des services), il faudrait vendre une expérience (ex : expérience créé par Starbucks) 


Dans le TED 2004, "Ce que veulent les consommateurs", Joseph Pine explique l’évolution de la valeur économique avec l’exemple du café : 

« C’est pourquoi vous avez des entreprises comme Starbucks, qui ne réalisent pas de publicité, du tout. Ils disent, vous voulez savoir qui nous sommes, venez tester chez nous. Et pensez à la valeur économique que cela procure via ces expériences. Un café au fond c'est quoi ? Des grains ? Des grains de café. Vous connaissez la valeur du café, quand il s'agit d'une marchandise comme les grains ? Deux à trois centimes par tasse — c'est ce que le café coûte. Mais moulez-le, grillez-le, emballez-le et mettez-le dans un magasin, et maintenant, il en coutera 10 à 15 centimes, quand vous le traitez comme un bien. Prenez le même bien, et fournissez un service de préparation de café pour les clients, dans le coin d'une brasserie, d'une bodega, d'un bar quelque part, vous en obtiendrez 50 centimes, peut être 1 dollar par tasse de café. Ajoutez à cela l'ambiance d'un Starbucks, avec du cèdre authentique, et maintenant, grâce à cette expérience authentique, vous pouvez en obtenir deux, trois, quatre ou cinq dollars pour une tasse de café. Donc l'authenticité devient la nouvelle sensibilité des clients. »





Dans l’expérience Economy, chaque client est unique et central (centricité du client) : il faut donc le mettre au centre de toute la chaîne de production. Afin de proposer une customisation de masse, l’auteur de « Mass Customization on businesses that serve customers’ unique needs » recommande à la fois une modularité et une rationalisation de l’offre et la mise en place d’un outil pour comprendre les besoins réels des clients. 

Exemple de Cimpress qui s'est spécialisée dans la personnalisation de masse
L’expérience est théâtralisée et constitue le principal élément marketing (L’expérience EST le marketing). 

Comme par exemple sur le Pike Place Fish Market à Seattle qui est devenu une attraction touristique populaire et où les poissonniers lancent le poisson que les clients ont acheté, avant d'être enroulés. Les salariés deviennent des acteurs, les clients deviennent des invités et le lieu de travail devient une scène de théâtre où le travail est réalisé devant le client pour lui montrer comment il est bien fait.


La dimension temporelle est clef : on valorise désormais le temps passé avec le client. Dans l’économie de produits ou de services, il fallait passer le moins de temps possible avec le client (ex : produits en libre service dans les grandes surfaces) ; dans l’économie expérientielle, le temps est optimisé et on fait en sorte de passer le plus de temps possible avec les clients car plus ils y passent de temps, plus ils dépensent de l'argent. « Vous êtes ce que vous facturez » : si vous vendez de l’expérience, vous vendez en réalité du temps (ex : un abonnement). 

 

Par exemple, les concepts de café à la minute où seul le temps est payant, le magasin de cigares PGC Hajenius qui fait payer l'accès à un fumoir privé ou bien le club pour gentlemen Wingtip qui propose une expérience exclusive en plus d'un magasin de mode masculine. 


Les bonnes questions à se poser pour faire évoluer ses offres et son business model d’entreprise seraient donc : « Que feriez-vous différemment s'il y avait des droits d'entrée ? » et « Comment déterminer le tarif correspondant au temps que vos clients passent avec vous ? » (le bon tarif d’admission).

Et pour demain ? (car les expériences risquent également de se marchandiser) De la transformation : étape supplémentaire qui consiste à proposer une expérience transformatrice de l’individu afin de l'aider à se réaliser ; la rémunération est basée non plus sur les moyens mais sur les résultats (ex : Santé, Richesse, Sagesse). 


Ce n’est pas sans rappeler l’économie de la fonctionnalité et de la coopération qui vise à se rémunérer sur une performance d’usage et/ou territoriale (une solution intégrée et intégrant les enjeux sociaux et environnementaux) plutôt que sur la vente de simples biens ou services afin de découpler la création de valeur de la consommation de matières premières. 

On pourrait ainsi résumer l'économie expérientielle dans cette équation : 

Expérience Economy = 
Economie de la fonctionnalité + Marketing expérientiel ! 

Cela demande de se poser de nouvelles questions comme « Quelles personnes vos clients souhaitent-ils devenir ? » et « Comment pouvez-vous les y aider ? »


Bienvenue dans l'économie de l'expérience !

dimanche 9 avril 2017

Mouvement "B-Corp" ou le pouvoir de l’entrepreneuriat au service du bien commun

9ème soirée « Vivre l’économie autrement », organisée par Nicolas Cordier a porté sur le thème du Mouvement « B-Corp » ou le pouvoir de l’entrepreneuriat au service du bien commun avec la participation d'Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet Utopies et d'Emery Jacquillat, PDG de Camif Matelsom.

"Le rôle des entreprises est amené à évoluer. La seule recherche du profit n’est plus suffisante, même pour faire du profit ! Dans le Nord, un double projet économique et social est historiquement fortement ancré dans l’esprit entrepreneurial de la région. Redéfinir le succès en entreprise n’en demeure pas moins d’actualité. La labellisation « B Corp » vise à fédérer ces entreprises qui assument des finalités sociales et environnementales au même titre que les profits économiques."

Le slogan des B Corp est « Ne pas chercher à être la meilleure entreprise DU monde mais la meilleure POUR le monde. » Ainsi, les entreprises privées peuvent, elles aussi, être actrices du changement. Avoir un impact positif sur la société et l’environnement ne serait pas du ressort exclusif de l’État ou des ONG.

Lors de la soirée, Elisabeth Laville a retracé l'évolution des stratégies RSE de l'entreprise citoyenne à la "RSE 2.0" qui passe d'une stratégie "Less Bad" (minimiser l'impact négatif) à une démarche "More good" (Maximiser l'impact positif) puis a expliqué la différentiation entre la certification 'B Corp' et les autres labels RSE existants. La force de "B Corp" tient notamment à l'esprit communautaire qui est privilégié entre les entreprises certifiées et à l'approche "fun et sexy" du mouvement pour rendre la démarche de responsabilité plus désirable.

Un compte-rendu des échanges sur les 'B Corps' est téléchargeable sur Slideshare ou en cliquant ici :


Nicolas avait également écrit un article retraçant l’origine du mouvement : « B Corporations, une nouvelle génération d’entreprises au service du bien commun » sur son blog.

Si vous souhaitez mesurer l'impact social et environnemental de votre organisation, l'outil d'évaluation gratuit "B Impact" est disponible sur http://www.bimpactassessment.net/

La soirée fut également l'occasion d'entendre le témoignage d'Emery Jacquillat, PDG de Camif Matelsom, qui a relancé la Camif après son dépôt de bilan fin 2008 sur la base d’un modèle entièrement repensé autour de la création de valeur partagée avec l'ensemble de ses parties prenantes, sur les plans économique, social, sociétal et écologique. L'entreprise est ainsi certifiée B Corp depuis 2015. 

Une réussite exemplaire autour de convictions fortes ("Nous croyons que l'on peut allier profit et impact positif pour la société") et la capacité à engager l'ensemble de ses parties prenantes au service d'une mission qui fait sens et sert le bien commun ("Plus la création de valeur est partagée, plus elle est durable !").

L'entreprise privilégie le Made in France (70% de son Chiffre d'Affaires réalisé avec des fabricants français) et s'engage pour la consommation responsable (outil de conso-localisation, Tour du Made In France, plate-forme d'innovation ouverte et collaborative avec ses parties prenantes, ...).

Une présentation de Camif Matelsom et un retour sur le témoignage d'Emery est téléchargeable sur Slideshare ou en cliquant ici :

Emery Jacquillat nous prouve ainsi qu'il est possible de "changer le monde en travaillant ensemble à des solutions innovantes" sous réserve de "créer du lien", rester flexible (PDG = Prof de Gym) et avec une vision claire et enthousiasmante du futur (OSE = Objet Social Etendu) !